Sur les pas des Binoche dans l’Yonne (XIIIe siècle-1911)

Le patronyme Binoche, référence à l’outil utilisé pour retourner la terre, a son origine dans la commune de Volgré, où se situe une parcelle nommée les binoches, bordée d’un chemin « dit de Binoche ». Entre l’époque où les patronymes entrent en usage (XIe-XIIIe siècles) et l’apparition des registres recensant les baptêmes, mariages et sépultures, au début du XVIIe siècle pour l’actuel département de l’Yonne, les porteurs du patronyme ont honoré la recommandation biblique, « croissez et multipliez », tout en restant établis à proximité de sa terre patronymique1. Il faut attendre le début du XVIIIe siècle pour qu’un Binoche s’éloigne de sa terre d’origine, aujourd’hui seuls quelques-uns habitent l’Yonne.

Descendants des Binoche, vous êtes curieux de découvrir les lieux d’origine de vos ancêtres. Alors, comme cela a été proposé pour Paris, l’Arbre des Binoche vous propose un itinéraire Sur les pas des Binoche dans l’Yonne, environ 70 kilomètres vallonnés en voiture (ou à vélo !) pour parcourir quelques siècles d’histoire, depuis le fameux champ des binoches jusqu’à la rue Germain-Bénard à Auxerre, en huit étapes principales (balisées de A à H) et trois pas de côté.

Cette promenade est commentée étape par étape par une synthèse de ce qui a été été publié sur le site, un lien noté pour en savoir plus renvoie aux articles détaillés correspondants.

Même si les Binoche ne sont plus présents dans l’Yonne, mais disséminés un peu en France et parfois ailleurs, nous prendrons comme point de départ la mairie du XVe arrondissement de Paris, pas seulement par commodité mais aussi parce que c’est une référence XXIe siècle pour certains Binoche ! Après 130 km, on emprunte la sortie n°18 de l’A6 (Joigny), on se dirige vers Volgré (commune nouvelle de Montholon) et le chemin dit de Binoche. Vous pouvez suivre la route jusqu’à Volgré puis prendre la direction de Champvallon, ou emprunter le bucolique (et plus direct) chemin indiqué ci-dessous.

Repère A. Quand vous débouchez du chemin de la Cahutte sur la D67, tournez à gauche sur celle-ci, le chemin dit de Binoche et la parcelle dénommée les Binoches se situe à gauche, à hauteur du bosquet qui se trouve sur la droite de la route. Garez votre voiture, vous pouvez parcourir le chemin dit de Binoche, en vous laissant étreindre par l’émotion de fouler la terre de vos ancêtres, qui ont tiré leur patronyme de l’outil avec lesquels ils ont cultivé ce lopin de terre autour du XIIIe siècle.

Puis direction Volgré et son église. Construit à partir de 1450, l’édifice consacré à Sainte-Barbe a peut-être accueilli baptêmes, mariages et sépultures de membres de la famille Binoche. Mais les premiers registres paroissiaux disponibles datent du XVIIIe siècle, et on ne peut donc affirmer que nos ancêtres résidaient encore à Volgré au moment de la consécration de l’église. Pas de trace écrite… C’est un peu la préhistoire des Binoche.

En savoir plus : À l’origine des Binoche et À quoi ça ressemble, une binoche ?

La première trace écrite d’un Binoche est l’acte de naissance (plus exactement de baptême, ce sont les prêtres qui tiennent les registres appelés alors de « catholicité » où ils consignent les baptêmes, mariages et sépultures de leurs paroissiens), l’acte de baptême donc d’Edme, fils d’Edme Binoche et de Germaine Loup né le 29 juin 1614 à Saint-Aubin-Château-Neuf.

Un pas de côté. Sans lien particulier avec les Binoche (sinon un bec sucré bien partagé), il existe un improbable musée du Moule à Chocolat 110 rue du Milieu à Villiers-sur-Tholon qui propose un excellent chocolat chaud. Tél. 06 44 30 90 36

Cap donc sur Saint-Aubin-Château-Neuf (Repère B), Située, comme Villiers-sur-Tholon, sur l’itinéraire le plus direct, Aillant-sur-Tholon est le lieu d’une branche prolifique de Binoche, mais qui remonte antérieurement aux registres de catholicité et que l’on n’a donc pas pu relier à celle des couvreurs qui nous occupent. À Saint-Aubin, on appréciera l’impressionnante toiture de l’église.

Le beau toit bien pentu de l’église de Saint-Aubin-Château-Neuf. Une pensée pour les couvreurs…

C’est dans ce village que naitra à son tour Jean Binoche le 28 août 1657. Il mourra dans le village voisin où il s’est installé, Saint-Martin-sur-Ocre (Repère C), et où est né son fils, également baptisé Jean, en septembre 1682.Ces trois Binoche constituent la « dynastie » des couvreurs en chaume. Saint-Martin-sur-Ocre « vaut le détour » comme disent les guides, charmant hameau avec ses toits typiques et son beau lavoir planqué au bout d’une impasse.

En savoir plus : Une dynastie de couvreurs

Jean Binoche deuxième du nom est d’abord apprenti couvreur avec son père, il lui succède à la mort de celui-ci en 1694 (il est âgé de douze ans !) et, en 1710, hérite d’un peu de bien de sa mère à Merry-la-Vallée, où il va s’installer (Repère D). Selon certaines sources, il aurait participé à la construction de la sacristie et aux travaux de remplacement de la toiture et de la charpente de l’église de Merry. On y portera donc un pieux regard.

Un pas de côté. Sur le trajet qui conduit de Merry-la-Vallée à Gy-l’Évêque, on pourra s’arrêter au cimetière de Vallan où repose (dans l’allée à gauche longeant le mur d’enceinte) Flore Denois, « la fille du passeur » peinte par Louis Adan (voir ci-dessous au repère G). En savoir plus : Louis Adan peintre. En arpentant les autres allées, vous découvrirez des tombes au nom de Binoche : des descendants des enfants du recteur installés dans la commune : Claude (cultivateur, élu aux premières élections qui ont suivi la Révolution, marié à Apolline Tramouille, Marie, accoucheuse mariée à Germain Rousseau cultivateur, et Germain cultivateur marié à Marie Billaudet.

C’est à Merry-la-Vallée que naitra Jean, troisième du nom, premier de la lignée à ne pas embrasser la carrière de couvreur. Il sera nommé recteur des écoles (ce qui à l’époque correspond à un maitre d’école doublé d’un sacristain) de Gy-l’Évêque (Repère E) le 13 juin 1744 et le restera jusqu’au 13 avril 1786 après une longévité exceptionnelle à ce poste. Malheureusement l’église de l’époque s’est effondrée le dimanche 3 décembre 1924, ensevelissant le maitre autel et ses stalles Renaissances, sans toutefois faire de blessés. Seule la façade est restée debout.

En savoir plus : Jean Binoche recteur d’école

Vue générale de Gy-l’Évêque

Une première pause s’impose, faisons le point. Si la géographie des lieux des premières générations Binoche est simple, leur généalogie l’est un peu moins, avec la multiplicité des porteurs d’un même prénom. Voici un arbre qui permet de s’y retrouver : le fils aîné du couple Jean Binoche (cartouche vert)-Suzanne Ranion (Jean 2e) sera le dernier couvreur dans l’Yonne, alors que son jeune frère Louis exercera le métier familial dans l’Eure et fera souche en Normandie, son fils Jean sera également couvreur, le dernier Binoche connu à exercer le métier.

Et pendant que nous y sommes, voyons les enfants du recteur de Gy-l’Évêque. Les trois derniers enfants ayant vécu l’âge adulte se sont donc installés à Vallan, Geneviève a épousé Paul Hannequin qui a succédé à son beau-père comme recteur des écoles de Gy, Etienne est vigneron, marié à Marthe Bretagne, et nous allons suivre dans notre prochaine étape Jean Baptiste Binoche, le fils aîné, établi comme chirurgien à Champs-sur-Yonne, où nous nous dirigeons maintenant.

(Repère F) Avant d’atteindre Champs-sur-Yonne, on anticipera sur la chronologie jusque là respectée en s’arrêtant avant le pont d’Escolives-Sainte-Camille sur l’Yonne (1), pour longer la rive en remontant le cours de la rivière sur une cinquantaine de mètres : vous vous tenez au même endroit que le peintre Emile Adan quand il a réalisé son tableau représentant Ursula, l’épouse brésilienne d’Adolphe, et ses trois filles, qu’il intitule « Souvenir de Champs ».

En savoir plus : Ursula et ses trois filles, en bateau et en peinture

Voici donc Champs-sur-Yonne, étape importante de notre périple, où se sont succédées trois générations de Binoche. Jean Baptiste, le fils aîné du recteur et seul auquel la famille peut financer des études supérieures à Auxerre, est diplômé le 17 mars 1784 avec le titre de maitre en chirurgie Il ouvre son cabinet à Champs, et y épouse le 25 octobre 1785 Magdeleine, fille du tonnelier Louis Bruant, de dix ans sa cadette.

Pour la visite de Champs, on laissera la voiture… place Binoche, en face de la mairie (2). (Une « tradition » toute récente veut que les Binoche en pèlerinage se prennent en photo devant la mairie, sous la plaque indiquant la place Binoche). De là, on se dirige à pied par la rue de l’Abreuvoir vers la Promenade de l’Ouest, qu’on suit jusqu’au coin de la rue du Moulin, où était érigée la maison du chirurgien (3), aujourd’hui disparue. Il y habitait en 1812 au moment du recensement, et probablement jusqu’à sa mort en 1825.

En savoir plus :Jean-Baptiste Binoche chirurgien, La maison du chirurgien et la place Binoche

Une visite de Champs en sept étapes

On poursuit la promenade jusqu’à la rue de la Poterne que l’on emprunte, puis on tourne à gauche sur la Grande Rue. Arrêt (4) à hauteur du numéro 30, en face duquel se dresse un bâtiment avec un balcon portant sur le fronton la mention Mairie. Il s’agit de l’ancienne mairie, construite par le marchand de nouveautés Jean Baptiste Binoche, fils du chirurgien, au cours d’un de ses mandats de maire (il l’a été de 1835 à 1843 et de 1848 à 1861.

En savoir plus : Jean-Baptiste Binoche, marchand de nouveautés et Les maires de Champs et les Binoche

En se retournant, on longe les façades des bâtiments du 30 et du 32 Grande Rue : achetés par le marchand de nouveautés en septembre 1818, ils sont aujourd’hui la propriété de l’Office Auxerrois de l’Habitat (OAH) qui les loue habituellement sous la dénomination de Résidence du Château d’eau ; ils sont malheureusement inaccessibles actuellement du fait d’une rénovation en cours (janvier 2024). Son fils Adolphe en avait hérité avec toutes ses dépendances en 1871, l’ensemble étant estimé à 15 000 F.

En savoir plus : Champs et les Binoche

Il est temps de se diriger vers l’église (5) à deux pas de là. L’église où ont été célébrés tant de baptêmes, communions, mariages et inhumations pour les Binoche. Mais pas seulement. Un tableau intitulé La Vierge et l’enfant, accroché dans la nef sur le mur de droite doit retenir votre attention : la partie inférieure du cadre porte une mention encore assez lisible, « Mlles Marie, Thérèse et Lucie Binoche 1859 ». Il s’agit des trois filles de Jules Binoche, second fils du marchand de nouveautés, parti le premier au Brésil avant d’y être remplacé par son frère Adolphe.
Jules a sans doute financé la restauration du tableau en demandant en contrepartie que soient portés sur le cadre les prénoms de ses filles nées respectivement en 1856, 1857 et 1859. Le mécène s’efface derrière sa descendance et la met ainsi sous la protection de la Vierge, c’est le sens que l’on peut donner à cette inscription.

En savoir plus : La Vierge et les demoiselles

Contournons maintenant le centre du bourg pour emprunter la Promenade du Centre et découvrir la Fontaine Sombron (6) qu’Adolphe a fait construire approximativement à la fin du XIXe siècle. Laissée à l’abandon après le décès d’Adolphe en 1911 et la vente de la propriété, elle a été redécouverte en 2008, dans un état de délabrement qui la menaçait de ruine. La municipalité de l’époque a pris la décision difficile mais judicieuse d’en commander la restauration, terminée en 2018.

En savoir plus :La Fontaine Sombron et la plaquette que le Département dédie au patrimoine de Champs, avec une double page consacrée aux Binoche, bienfaiteurs de Champs

La fontaine est toujours visible depuis la Promenademais l’accès au jardin et à l’église nécessite de contacter au préalable l’adjointe au maire Anne Guynot-Dahlem anne.guynot-dahlem@champs-sur-yonne.fr. Si elle est disponible, madame Guynot-Dahlem se fera même un plaisir de vous faire découvrir Champs, au-delà des point d’intérêts Binoche.

Préparer votre venue en contactant au préalable la mairie de Champs pour pouvoir vous faire ouvrir les portes de l’église et du jardin de la Fontaine.

Retour maintenant sur vos pas pour reprendre votre voiture et vous rendre au (7) cimetière de Champs, rue de Verdun, où l’on trouvera, à peu près au centre de la partie ancienne, la grande stèle marquant l’emplacement des tombes de Jean-Baptiste marchand de nouveautés et maire de Champs, de sa femme Louise Foÿ ainsi que de leur gendre Pacifique Sigaut.

En savoir plus : Le marchand de nouveautés et L’irascible Pacifique

Un pas de côté. On a vu que Jean-Baptiste Binoche, le chirurgien, était propriétaire de près de quatre hectares de terrain, dont 1,3 planté en vignes, passés ensuite par héritage à son fils le marchand de nouveautés puis son petit-fils Adolphe. On vous propose une balade sur les parcelles du Vaux Marquis, où Jean Baptiste (et ses descendants) ont cultivé des parcelles Sur le Ru et à La Tubie.
Et pourquoi ne pas visiter la cave d’un viticulteur qui continue d’exploiter des parcelles sur ce dernier terroir, vous le trouverez au 9 rue de Tubie à Champs-sur-Yonne, sous l’enseigne du Domaine des Vaux Marquis. Il est nécessaire d’appeler avant la visite au 06 62 84 05 25. Une autre exploitation travaille sans doute sur des parcelles ayant appartenu aux Binoche, les caves Bailly Lapierre, 3 quai de l’Yonne à Bailly – Saint-Bris-le-Vineux, tél. 03 86 53 77 77

(Repère G) Après cette visite approfondie de Champs, il nous reste encore une étape avant de conclure notre périple à Auxerre. Direction Vaux, pour deux raisons. La première se situe en aval du pont qui traverse l’Yonne entre le Petit Vaux et Vaux. Avant la construction du pont, on passait la rivière à gué ou sinon en utilisant les services d’un passeur. Dans la nuit du 32 juillet 1825, Jean Baptiste Binoche le chirurgien est appelé en intervention pour un accouchement après plusieurs autres confrères qui ont décliné à cause de la tempête qui sévit. Lui se dévoue et au retour de l’opération, il engage sa voiture à cheval dans les eaux en crue de l’Yonne. Il n’en réchappera pas.

La deuxième raison se situe approximativement au même endroit. À l’été1882, lors de son séjour à Champs, le peintre Émile Adan sur la suggestion de son cousin par alliance Adolphe, va saisir la scène de la fille du passeur traversant le fleuve. On a vu précédemment que celle fille du passeur était enterrée à Vallan, le tableau qu’en tire Adan fait partie aujourd’hui des réserves du Musée d’Orsay.

En savoir plus : Louis Adan peintre

« La fille du passeur », peint depuis la berge de Champs en 1882.

(Repère H) Dernière étape, Auxerre. Plus précisément la rue Germain-Bénard, qui s’appelait à l’époque du marchand de nouveautés la rue Chantepinot. En 1829, l’année des quarante ans de Jean Baptiste, l’Hôtel Dieu de la Madeleine, également connu sous le nom de l’Hôpital des Grandes Charités, fait l’objet d’une vente par adjudication. Jean Baptiste se porte acquéreur de six lots de la vente. Il aménage les grandes salles de l’ancien Hôtel Dieu pour en faire des immeubles de rapport.

En savoir plus : Les investissements immobiliers de Jean Baptiste

Lancienne rue Chantepinot à Auxerre, aujourd’hui rue Germain-Bénard, où le marchand de nouveautés avait réalisé plusieurs investissements immobiliers

Le « pélerinage » en terres Binoche se termine ici. Après le décès d’Adolphe en 1911, tous les biens de la famille sont vendus. Seuls souvenirs tangibles des trois générations qui s’y sont succédées, la Fontaine Sombron et la place Binoche. Mais les ressources patrimoniales icaunaises (= de l’Yonne) ne se limitent pas à ces quelques lieux iconiques, profitez bien de votre séjour !

  1. Dans l’Ancien Régime, les compétences territoriales judiciaire, militaire, financière… n’offraient aucune cohérence, une même paroisse pouvait dépendre d’autant de centres différents pour chacune des compétences. La création des départements en 1790 allait harmoniser les limites administratives – sur le territoire qui allait devenir l’Yonne, on comptait par exemple dix bailliages différents avec des enclaves des uns chez les autres. Mais alors que certains départements comme le Maine-et-Loire (Anjou) ou la Dordogne (Périgord) reprenaient peu ou prou le tracé des anciennes provinces, l’Yonne était le fruit d’un découpage entièrement inédit, empruntant aux territoires de cinq diocèses différents dont les limites remontaient à la domination romaine. Sur la carte ci-dessus, on a superposé les limites actuelles du département de l’Yonne et les anciens diocèses. On relèvera que le sud de l’actuel Loiret, Volgré, Saint-Aubin-Château-Neuf dépendaient du même diocèse de Sens, ce qui pouvait faciliter les « migrations » relativement nombreuses des Binoche dans l’actuel département orléanais. ↩︎
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